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Maudit Mercredi


Maudit mercredi

" C’était un mercredi
Tu es rentrée du marché et tu m’as dit « c’est fini »
C’est absurde mais ce sont mes joues à moi qui ont rougi

J’ai regardé mes pieds et j’ai songé que c’était toute l’histoire de ma vie.

J’ai repensé à cet autre mercredi

Où ma mère, elle aussi, était partie
C’était un jour de pluie, un peu avant midi

Elle, elle n’avait rien dit

Elle avait juste rassemblé quelques affaires et s’était enfuie.

J’avais écouté la sirène hurler à la mort à travers la ville,

Tel un glas, une oraison, un tambour funeste

L’annonce de la solitude qui me grignoterait

Jour après jour, mois après mois, jusqu’à faire de moi

Ce perdant, ce non battant, ce fataliste que les femmes fuiraient.

À bien y réfléchir, il y avait aussi eu cet autre mercredi

C’était un soir, il faisait froid, le feu crépitait dans notre cheminée

Et à la fin du dîner, la lame était tombée

Comme ça, froidement, sans crier gare,

La femme que j’aimais avait annoncé « Je pars »

La peur s’était faite panique,

Fulgurante, écrasante, irraisonnée

L’abandon phobie en avait profité pour reprendre le contrôle

M’obligeant à ramper à genoux nus

Dans ce nouveau désert cailloux de solitude

Je m’étais alors terré des années

De honte, d’angoisse et de lâcheté

J’avais courbé le dos et m’étais résigné

Je ne songeais plus qu’à travailler pour tenter de diluer

Cette épouvantable pensée que je n’étais pas digne d’être aimé, seulement abandonné

 

Et c’est toi qui m’as sauvé

C’est drôle la vie, c’était encore un mercredi

À la machine à café, tu t’étais approchée

Tu m’avais souri, séduit et moi je t’avais suivie

Comme un chien sans maitre, perdu, en survie.

 

Il me semble que l’on s’est aimés…

Peut-être pas vraiment, peut-être pas comme dans les romans,

mais suffisamment pour que j’aie l’illusion d’exister

Ça a duré quinze ans, quinze ans à faire semblant

De ne pas être conscient de tes méchancetés et de tous tes manquements

 

Tu ne voulais plus d’enfant, j’ai aimé celui de ta vie d’avant

Un peu trop, un peu maladroitement

Mais quand je l’ai regardé partir à l’arrière de ta belle Audi

J’ai su que ce serait le pire mercredi de toute ma vie.

Et que cette fois-ci, je ne m’en relèverai pas.

 

Saloperies de mercredis."

 

 

Extrait de "Giffures" parution 2020, Miller Editions

 


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"Griffures"

 

Un recueil de textes sur les âmes giflées par l'existence.

40 textes courts, 40 personnages

40 tranches de vie, 40 réflexions

 

... Des petits bouts d'existence, des morceaux de gens, de vieux souvenirs, quelques regrets, d'épouvantables douleurs, de lourds constats, une poignée d'actes manqués, des désillusions par paquet, des coups de gueules, des colères sourdes, d'autres implacables, des laissés-pour-compte, des opprimés, de beaux espoirs et bien entendu des jours meilleurs...

 

Car si ce recueil est loin d'être un feel good, il n'en reste pas moins un Sacha Stellie.

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